Dans la vieille tradition: du Reichstag au Bundestag – de l’antisémitisme au philosémitisme il n’y a pas loin ! –
Evelyn Hecht-Galinski
Commentaire du 22 mai 2019
Traduction: Christiane Reynaud
Ce qui s’est passé la semaine dernière au Parlement allemand est honteux et fatal. On se croirait en effet à l’époque du Reichstag où les Juifs étaient discriminés et marginalisés en Allemagne. Mais cette fois, tous les partis « démocratiques » ont voté à l’unisson la condamnation du mouvement BDS. Cela rappelle très fortement la « loi des pleins pouvoirs » du 24 mars 1933, la loi officielle pour remédier à la misère du peuple et du « Reich ». À l’époque, seulement le SPD, les sociaux-démocrates, avait voté contre. Peut-on donc comparer la « loi des pleins pouvoirs » et la proposition de loi anti-BDS avec laquelle on veut résolument s’opposer au mouvement BDS et lutter contre l’antisémitisme ? On peut, parce que les deux décisions ne sont absolument pas conformes à la Constitution. Notre Constitution ne nous accorde-elle pas clairement le droit à la liberté d’opinion ?
La résolution du Bundestag « autorise » l’antisémitisme et le mépris des droits de l’homme
Comment peut-on accepter qu’on vote ici une proposition de loi qui doit permettre aux politiciens allemands d’adopter une stratégie contraire aux droits de l’homme, antilibérale et antisémite, dirigée en particulier contre les citoyens juifs qui s’engagent pour la libération de la Palestine ?
https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2019/kw20-de-bds-642892
Par cette motion, les députés du Parlement ont collé à la campagne non-violente du BDS, issue du sein de la société civile palestinienne, l’étiquette de « l’antisémitisme » ce qui est aussi faux qu’effronté. Qu’y a-t-il d’antisémite à ce qu’après des décennies d’occupation coloniale israélienne, des civils prennent l’affaire en main et – inspirés par la lutte des sud-africains et sud-africaines contre l’apartheid – veulent à l’aide de boycott, de désinvestissement et de sanctions, inciter la puissance d’occupation israélienne à mettre fin à l’occupation et à la colonisation de tous les territoires arabes, à faire tomber le mur illégal, comme l’exige la Cour internationale de justice, à reconnaître le droit fondamental des citoyens et citoyennes arabes palestiniens à la pleine égalité et à respecter le droit au retour des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 des Nations Unies.
Tant que le gouvernement israélien poursuivra cette politique colonialiste et contraire aux droits de l’homme aux dépens des Palestiniens qui souffrent de l’apartheid aussi bien en Israël même que dans les territoires illégalement occupés, le mouvement BDS qui s’amplifie dans le monde entier, continuera sa lutte non-violente pour ses objectifs, jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international et reconnaisse les droits inaliénables des Palestiniens, notamment le droit à l’autodétermination.
Pas de coopération avec un État d’apartheid
Il y a une responsabilité historique que nous devons tous assumer, mais pas une coopération privilégiée économique, militaire et scientifique avec un État qui s’intitule « État juif », qui favorise la marginalisation et instrumentalise l’antisémitisme en tant que notion de combat contre la critique. Ils utilisent la fausse comparaison des étiquettes « Don’t buy » avec le slogan nazi « N’achetez pas chez les Juifs » comme preuve d’antisémitisme. C’est une diffamation malfaisante et non fondée, manigancée par la propagande du régime de Netanyahou et le lobby pro-israélien par laquelle on essaie d’atteindre ce mouvement non-violent mais efficace.
On ne peut que mettre en garde contre les conséquences de cette proposition qui veut empêcher que des organisations qui s’engagent pour la liberté de la Palestine soient soutenues et qui veut faire en sorte qu’on refuse aux organisations qui veulent informer à ce sujet, de mettre des institutions et des locaux communaux à leur disposition.
Alors, comment des partis démocratiques allemands, et notamment le parti libéral démocratique FDP qui porte la notion de liberté dans son nom, peuvent-ils vouloir museler les partisans du BDS avec des mesures de ce genre ? Il en va de même pour le parti Alternative pour l’Allemagne, l’AfD, qui lui ressemble de plus en plus : il est allé encore plus loin et a voulu faire interdire carrément le mouvement BDS.
Une attaque effrayante contre le droit fondamental à la liberté d’opinion et de discussion
Cette proposition de loi fait-elle fonction de feuille de vigne sous prétexte de lutter contre l’antisémitisme pour réprimer toute protestation contre la politique d’occupation israélienne, contraire au droit international. Et pour bloquer une campagne qui se réfère uniquement au droit international ainsi qu’aux résolutions acceptées par Israël ? Avec cette effrayante attaque contre le droit fondamental à la liberté d’opinion et de discussion, le FDP et les autres partis ont rendu un bien mauvais service à la liberté !
Mais ce que tous avaient en commun, c’était leur ignorance du mouvement BDS et leur fixation sur les insinuations du lobby pro-israélien et ses faux arguments. Ce n’est donc pas étonnant que le Premier ministre israélien Netanyahou, nouvellement réélu et sur le point d’être accusé de corruption, ce à quoi il a déjà tenté d’échapper par une réforme de la justice, ait approuvé cette proposition de loi du Bundestag de condamner le mouvement BDS et l’ait qualifiée de « décision importante ». Il a bel et bien félicité les députés d’avoir stigmatisé le mouvement BDS comme antisémite et s’est réjoui qu’ils aient également appelé à ne plus financer d’organisations qui agissent « contre l’existence » de l’État d’Israël. L’Allemagne, en tant que pionnière en Europe, donne le mauvais exemple, même si cette proposition n’a aucune conséquence valable juridiquement.
En effet, tous les députés du Bundestag qui ont soutenu cette proposition de loi devraient se demander, après ces éloges empoisonnés sortis de cette bouche menteuse, si leur décision est vraiment conforme au droit international et à la Constitution. Après cette proposition qui foule aux pieds les droits des Palestiniens et repose entièrement sur la propagande du lobby pro-israélien, comment peut-on encore parler de décisions démocratiques ? Tout d’abord, parce qu’au préalable, 66 scientifiques juifs israéliens avaient appelé les députés à ne pas confondre le BDS avec de l’antisémitisme et avaient mis en garde avec véhémence contre la menace qui pèse sur l’ordre démocratique libéral en Allemagne! Mais ceux-ci n’ont pas été écoutés, et nous constatons encore une fois que seulement 74 ans après la libération d’Auschwitz, des scientifiques juifs sont ignorés et marginalisés au Parlement allemand ! On ne veut tout simplement pas entendre la vérité parce qu’on n’a pas d’arguments valables à y opposer. Cela ne devrait-il pas être un avertissement ?
https://www.lebenshaus-alb.de/magazin/012256.html
Trahison du droit international
Tout comme le gouvernement allemand et le Parlement, certains médias soutiennent les fausses accusations d’antisémitisme et défendent un « droit d’existence pour l’État juif » qui n’a, jusqu’à présent, pas de frontières définies et se rendent donc complices des crimes de nettoyage ethnique, d’occupation militaire et d’apartheid. Où reste le droit d’exister de la Palestine ? Avec cette trahison du droit international, l’Allemagne et son Parlement perdent toute crédibilité.
Ni l’Allemagne, ni les Etats-Unis ni « l’État juif » ne perdent de temps quand il s’agit de boycotter et de sanctionner la Russie, l’Iran ou la Turquie, toujours en se référant au droit international ou aux droits de l’homme. Tous ces arguments ne comptent pas pour Israël qui ne fait aucun cas de ces droits depuis des décennies, en référence à la culpabilité allemande et son éternelle responsabilité qui justifient tous les moyens pour « l’État juif ».
Des prix et des récompenses suivent de près pour l’aide médiatique du sympathisant « inconditionnel » d’Israël – le patron sioniste « non-juif » de Springer, Mathias Döfner, qui reçut le prix Leo Baeck du Conseil central des Juifs. L’un des laudateurs, le président du Congrès juif mondial déborda de louanges : « Döpner est un homme qui représente le courage et la décence et personnifie toutes les nobles qualités que l’on associe avec l’Allemagne ». Il dit n’avoir jamais rencontré un homme qui, à la fois, lutte contre le communisme et le totalitarisme et qui soit un défenseur du peuple juif. Nous sommes tous les jours témoins de la campagne de dénigrement dans le journal bête Bild. https://www.haz.de/Nachrichten/Medien/Fernsehen/Leo-Baeck-Preis-fuer-Springer-Chef-Doepfner
Naturellement, Merkel ne restera pas les mains vides, la chrétienne sioniste va recevoir en 2020 la médaille Buber-Rosenzweig, comme l’a annoncé la Société pour la « coopération judéo-chrétienne ». On se demande si Merkel a encore de la place pour l’énième prix juif. Mais elle a bon dos !
Mettre fin aux crimes d’Israël par le boycott ! Contrer la tradition du Reichstag !
Il n’y a qu’un moyen d’arrêter Israël, c’est le boycott : il avait déjà réussi à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Les personnes avec une conscience, dans le monde entier, sont appelées à se joindre enfin au mouvement pacifique du BDS, à soutenir les sanctions économiques, le boycott culturel et scientifique et à traiter « l’État juif » comme n’importe quel autre pays qui ignore jusqu’à présent toutes les règles.
Le blocus de Gaza qui maintient deux millions de personnes dans un camp de concentration, les raids aériens incessants, les guerres contre des pays voisins souverains, la non-restitution du plateau du Golan, Jérusalem indivisible comme éternelle capitale d’un « État juif », le mépris de toutes les règles qui se manifeste de cette façon ne doivent pas être soutenus par l’Allemagne et ses « représentants du peuple ». La judaïsation ne doit plus être encouragée. Ce n’est qu’ensemble que nous sommes forts pour brandir le carton rouge à ces politiciens et ces députés. En tous cas, je ne me vois plus représentée aux prochaines élections européennes.
Ne laissons pas la tradition allemande du Reichstag devenir la tradition du Bundestag et ne permettons pas au Parlement allemand et ses représentants de soutenir inconditionnellement « l’État juif » et d’oublier la Palestine. On a passé de l’antisémitisme au philosémitisme, le chemin est court entre les deux selon la volonté et la propagande des partisans d’Israël. N’oublions jamais ce sur quoi j’insiste depuis des années ; « le sionisme nous menace TOUS ».